Des chips qui croustillent et qui séduisent
Interviews/ Découverte

Des chips qui croustillent et qui séduisent

Je m’appelle A. Immaculée GOMEZ, passionnée de cuisine, surtout celle africaine, revisitée et saine. J’ai fait une formation initiale en Administration générale, mention diplomatie et relations internationales à l’ENAM. 

Ma passion pour la healthy food m’a suivi durant tout mon cursus académique, depuis le lycée jusqu’à l’université. A cela, il faut ajouter que j’ai une maman restauratrice ; c’est donc un univers dans lequel j’ai baigné très tôt et qui a forgé celle que je suis aujourd’hui. 

Douceur de Yahweh n’est donc qu’une continuité de ce que je suis et de ce que j’ai toujours fait!

Équipe Ypada Services: Comment est-ce que l’aventure avec les chips de Patate Douce à commencer ? 

DY: A la maison, on vouait un véritable culte à la cuisine et pendant les vacances, on avait pris l’habitude de tester différentes recettes de goûters chaque dimanche, surtout les beignets. Les fameuses chips de patate douce sont arrivées dans la foulée. 

A l’âge adulte, quand j’ai été suffisamment convaincu d’entreprendre dans l’agro-alimentaire, faire ces chips m’a semblé être ce qu’il y avait de plus cohérent. Ce qui a été le plus déterminant, c’est le fait qu’il n’existait pas encore sur le marché un segment pour les chips de patate. 

J’ai commencé en 2016 avec 200 francs CFA de patate. J’ai fait plusieurs tests à la maison qui m’ont permis d’en apprendre beaucoup sur la transformation. Je faisais des sachets de 50 francs CFA que je vendais aux enfants de la maison et à quelques amis.

J’ai effectué une plus forte production dans un premier temps en 2017. J’avais acquis du matériel et de l’expérience et les ventes ont rapidement grimpé du fait de l’unicité du produit. Je suis passée à des paquets de 100 francs CFA.

La maternité m’a obligé à arrêter jusqu’en 2019 où je me suis repenchée sur le projet avant de me lancer véritablement en mai 2020. 

Quels sont les produits que proposent Douceur de Yahweh ?

DY: Douceur de Yahweh a commencé par les chips de patate douce. Aujourd’hui, cette gamme se compose de 4 saveurs, dont 3 salées (sel de Djègbadji, ail & paprika et piment) et 1 sucrée (cacao) disponibles en format de 80 g. Il y a également de plus petits formats disponibles en une seule saveur (salées) à destination des enfants et des personnes à petit budget.

Depuis décembre 2021, Douceur de Yahweh est passée de la chipserie à biscuiterie, avec le lancement de deux gammes de cookies à la farine de patate douce.

La première gamme a été baptisée « COOKIMOJIS ». C’est un concept ludique de mini-cookies à base de farine de patate douce et à l’effigie d’émojis. Chaque émoji ayant été choisi pour incarner une saveur du terroir béninois et africain. Une palette de goûts à travers 12 biscuits émojis (cajou – cacahuète – moringa – hibiscus – citron – coco – muscade – cacao – chocolat – datte – caramel beurre salé – gingembre). 

La seconde gamme de cookies est à destination des adultes. On est plutôt sur des gros cookies, aux saveurs tout aussi intéressantes, trois pour le moment (Double chocolat – Chocolat gingembre – Praliné cacahuète). 

La dernière sortie, ce sont les muffins à la farine de patate douce, vendus en version nature pour le moment.

Quels sont les ingrédients phares que vous utilisez dans la production des chips ?

DY: La base de la production, c’est la patate douce elle-même. J’ai fait le choix de transformer la patate douce à peau et à chair blanches, notamment la variété « Vobodouhaho ». Cela signifie littéralement en langue fon « endette-toi en toute confiance ». Ce nom, cette variété la doit à son taux de rendement très élevé qui pousserait les producteurs à s’endetter en comptant sur la productivité de leurs champs pour le remboursement. 

Cette variété de patate douce a une chair légèrement farineuse, propice à la fabrication de chips, parce qu’elle cuit vite et croustille bien. Je privilégie surtout les patates cultivées sans engrais chimique, qu’on a laissé pousser naturellement. 

Ensuite, il y a l’huile végétale qui sert à la friture et le sel, notamment le Xlwdjê produit à Djêgbadji. Ce sont les ingrédients de base. 

Les chips sont ensuite aromatisées en fonction des différentes saveurs, avec du piment rouge de Glazoué, l’ail et le paprika qui est piment doux (non piquant et donc idéal pour les personnes qui ne supportent pas le piment normal) et la poudre de cacao cru. 

Ma démarche est de promouvoir au mieux le « Consommer Local ». C’est d’ailleurs la raison pour laquelle sur chaque emballage de chips, j’ai tenu à raconter l’histoire des ingrédients que j’utilise. Ainsi, aussi bien le produit que le contenant sont des ambassadeurs du Made In Benin. 

Comment se conserve les chips ? 

DY: Les chips sont totalement sans conservateur. C’est la raison pour laquelle la DLC (date limite de consommation) est de 3 mois seulement, sinon elles s’oxydent et ont un goût de rance. Fort de cela, la production se fait au gré de la demande pour que le client profite de la meilleure qualité du produit. 

Êtes-vous autodidacte ou faut- il une formation pour manipuler les patates douces de sorte à en faire des amuse-bouches ?

DY: Tout ce que je sais et que je fais aujourd’hui avec la patate douce est le fruit d’un long parcours en autodidacte. Comme susmentionné, je suis passée par plusieurs expériences et avec les années, j’ai affiné mes connaissances en ce qui concerne le bon calibrage des chips, la meilleure méthode de cuisson, la meilleure méthode de transformation en farine ou encore la conception des recettes de biscuits.

Chaque lancement est précédé de plusieurs tests réalisés sur des mois, au cours desquels je teste différentes associations que je fais goûter à des proches jusqu’à en arriver au résultat souhaité. C’est seulement ensuite que les produits finis sont lancés. 

Je m’aide aussi des émissions de pâtisserie et de blogs culinaires spécialisés en farines locales pour peaufiner mes recettes et essayer les associations.

Comment assurez-vous la vente de vos produits et quelle catégorie de personnes s’y intéressent ?

DY: La vente se fait principalement en direct aux clients consommateurs via des livraisons pour l’instant à Cotonou, Calavi et Porto-Novo. Il y a également plusieurs clients grossistes revendeurs qui assurent la distribution.

Depuis février 2022, les chips sont distribuées dans deux grandes surfaces. Des démarches sont en cours pour agrandir le réseau de distribution. 

En ce qui concerne le profil de nos clients, il est varié : cela va des jeunes enfants à partir de 3 ans jusqu’aux personnes âgées. Des parents en achètent pour le goûter des enfants et pour bon nombre de travailleurs, ces produits sont bien utiles à la pause goûter de 16h30 avant la fin de la journée de travail à 18h30. 

De façon plus précise, les produits s’adressent à :

  • tous ceux qui recherchent une alternative aux goûters ou produits de grignotage habituels ; la patate douce étant très riche en fibre, elle a tendance à vite rassasié, ce qui limite le grignotage ;
  • tous ceux qui veulent limiter leur consommation de blé ;
  • tous ceux qui ont du mal à digérer le blé ou sont tout simplement allergiques ou intolérantes au gluten.

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans votre activité ?

DY: Il y en a plusieurs. La première, c’est l’approvisionnement de la matière première. Les pluies sont de plus en plus rares et à cela s’ajoute la farouche concurrence de transformateurs venus de Ghana, du Togo et de Côte d’Ivoire qui viennent s’approvisionner en masse au Bénin. La deuxième difficulté concerne le matériel. Je suis obligée de faire venir du matériel depuis l’extérieur précisément pour la découpe des chips.

Malgré tout, l’unité de transformation reste totalement artisanale. Tout est fait à la main, de l’épluchage jusqu’à la friture et au conditionnement. La troisième difficulté est relative aux préjugés sur la patate douce. J’ai déjà vu plusieurs clients hommes arrêtés d’acheter les produits DOUCEUR DE YAHWEH parce qu’on leur aurait dit que la patate affectait la virilité. La dernière difficulté concerne la communication. La nôtre repose principalement sur le bouche à oreille et sur les réseaux sociaux. Ça ne suffit pas pour mieux se faire connaître. Je suis déjà passée à côté de plusieurs foires et expositions, soit parce que je n’ai pas accès aux sources d’informations, soit parce que les prix annoncés pour les stands sont incroyablement élevés, ce qui, pour des toutes petites entreprises comme la mienne, n’est vraiment pas évident. Douceur de Yahweh gagnerait à se faire connaître davantage et j’en profite pour vous remercier de l’honneur que vous me faites en m’offrant cette tribune.

Quels sont les projets de Douceur de Yahweh ?

DY: La priorité aujourd’hui, c’est d’accroître notre audience, faire connaître les différentes gammes de produits déjà disponibles. Pour ça, il faut communiquer ou du moins, mieux faire parler de Douceur de Yahweh et surtout étendre le réseau de distributions actuelles. 

Bien entendu, l’innovation est au cœur des activités de la marque. Il y a déjà plusieurs idées de prochains produits en cours de développement. Ils doivent être peaufinés, tant dans la forme que dans le fond, puis j’envisagerai un calendrier de lancement pour les mois ou les années à venir. 

Enfin, la semi-industrialisation de l’unité de production permettrait de produire plus avec le moins de contraintes possible.

Si votre marque était un animal, lequel serait-il et pourquoi ?

DY: Je dirai un caméléon. De 2016 à maintenant, la marque a énormément évolué. En fonction des étapes de son parcours, elle a pris différentes couleurs : plusieurs changements de noms et de packaging, l’amélioration de la qualité et de la gamme de produits, l’amélioration du branding, notamment en ce qui concerne nos valeurs (authenticité – innovation – responsabilité sociale), de notre vision et notre mission. Douceur de Yahweh a su et continue de s’adapter à son environnement et à ses exigences. Sur les deux dernières années, même si on a l’impression d’aller lentement, on y va surtout sûrement, comme le caméléon et je trouve que c’est un bon compromis, du moins pour le moment.

Je remercie YPADA de m’offrir cette tribune pour partager mon travail. Je suis d’autant plus sensible à votre démarche qu’elle permet de régler le problème épineux du manque de visibilité dont souffrent nos entreprises. 

Il faut le reconnaître, l’écosystème (fiscal, institutionnel et social) du Bénin est très particulier, par rapport à d’autres pays de la sous-région. 

Les entrepreneurs ont donc besoin d’être encouragés. 

Merci à vous !

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